Techniques chirurgicales
Selon la nature et la localisation de l’anomalie (mâchoire supérieure, mâchoire inférieure, menton), différentes techniques existent, pouvant être isolées ou se combiner entre elles.
On parle d’ostéotomie mandibulaire, maxillaire, ou bi-maxillaire si les deux mâchoires sont opérées simultanément. La chirurgie du menton est appelée génioplastie.
Comme expliqué précédemment, la quasi totalité des mouvements des mâchoires peuvent être réalisés, conformément à la planification pré-opératoire (avancée, recul, recentrage, remontée, abaissement…)
Dans tous les cas, les cicatrices sont exclusivement situées à l’intérieur de la bouche.
Généralités sur la chirurgie orthognathique
Les interventions de chirurgie orthognathique reposent sur quelques grands principes.
Ces interventions sont exclusivement réalisées sous anesthésie générale.
Toutes les incisions sont situées à l’intérieur de la bouche : il n’y a aucune cicatrice sur la peau.
La mobilisation des mâchoires nécessite des sections osseuses appelées ostéotomies.
Les ostéotomies étaient autrefois être réalisées avec divers instruments (fraises, scies) mais nous les réalisons aujourd’hui exclusivement par piézochirurgie, une technique de section osseuse par ultrasons, avec un très faible risque de lésion des tissus mous (notamment des nerfs).
La chirurgie ultrasonique réduit considérablement les risques sensitifs, limite l’œdème post-opératoire, et accélère la cicatrisation osseuse. Nous l’utilisons aujourd’hui de façon systématique.
Après l’ostéotomie, la mâchoire opérée est mobilisée, puis on procède à son repositionnement convenable par rapport à la mâchoire non opérée.
Les deux mâchoires sont alors transitoirement solidarisées par un blocage maxillo-mandibulaire : des fils d’aciers sont passés entre les bagues du haut et du bas pour « verrouiller » l’occlusion.
Nous utilisons systématiquement une gouttière acrylique pour positionner les mâchoires au moment du blocage. Celle-ci est réalisée en préopératoire à partir de moulages, ou par impression numérique 3D.
Une fois le blocage réalisé, les pièces osseuses doivent être fixées en bonne position : c’est ce que l’on appelle l’ostéosynthèse. Elle est réalisée au moyen de vis et plaques miniaturisées en titane, qui resteront le plus souvent à vie.
Après l’ostéosynthèse, les mâchoires sont débloquées, et l’occlusion contrôlée.
En cas d’ostéotomie bi-maxillaire, la seconde mâchoire est alors opérée suivant les mêmes principes.
Si l’intervention porte sur une seule mâchoire, on procède alors au lavage du site opératoire, et à la suture de la muqueuse par un fil résorbable. Celui-ci tombera tout seul en 2 à 3 semaines.
Le plus souvent, un guidage sur élastiques souples est mis en place les premiers jours.
Enfin notons que la décision de réaliser une génioplastie est souvent prise en fin d’intervention (sauf dans les cas où l’indication est présente d’emblée).
Ce geste, également réalisé en technique ultrasonique (piézochirurgie), permet de modifier la taille ou la position du menton. Son impact esthétique et fonctionnel est très important.
Nous présenterons ci dessous les principales interventions de chirurgie orthognathique, qui peuvent se combiner entre elles :
- ostéotomie mandibulaire (ou « ostéotomie sagittale des branches montantes »)
- ostéotomie maxillaire (ou « ostéotomie de Le Fort I »)
- génioplastie
- disjonction inter-maxillaire
Ostéotomie mandibulaire (chirurgie de la mâchoire inférieure)
Cette intervention, également appelée « ostéotomie sagittale des branches montantes », permet de mobiliser la mâchoire inférieure. Elle est notamment indiquée lorsque la mâchoire est trop « en avant » ou trop « en arrière ».
Elle est parfois associée à une chirurgie de la mâchoire supérieure (« ostéotomie bi-maxillaire ») ou du menton (« génioplastie »).
Selon les cas, la mandibule peut être avancée, reculée, ou recentrée.
La durée de l’intervention est de 90 minutes environ ; l’hospitalisation de deux à trois jours.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il s’agit d’une intervention peu douloureuse.
Toutes les cicatrices sont dissimulées à l’intérieur de la bouche.
L’œdème post-opératoire régresse habituellement en deux semaines. L’utilisation systématique de masques réfrigérants permet aujourd’hui de limiter notablement son intensité et sa durée.
Le principal risque est la lésion du nerf alvéolaire inférieur pouvant causer une diminution transitoire de sensibilité de la lèvre inférieure et du menton.
Ce risque est aujourd’hui minime grâce à l’utilisation systématique de la piezochirurgie, qui permet de réaliser les sections osseuses aux ultrasons, et de préserver les tissus mous. La chirurgie ultrasonique a également beaucoup d’intérêt dans la réduction de l’œdème et l’accélération de cicatrisation osseuse.
Une attention particulière est portée au repositionnement du condyle mandibulaire, notamment en cas d’avancée de la mâchoire inférieure. L’utilisation de plaques dites « à réglage sur site » a considérablement simplifié cette étape.
Les mâchoires sont habituellement bloquées sur élastiques souples la première semaine.
L’alimentation doit être semi-liquide puis pâteuse pendant 2 semaines, et ensuite tendre pendant 1 mois.
Ostéotomie maxillaire (chirurgie de la mâchoire supérieure)
Cette intervention, également appelée « ostéotomie de Le Fort I », permet de mobiliser la mâchoire supérieure. Elle est par exemple indiquée lorsque la mâchoire supérieure est trop « en arrière », ou que la gencive est trop visible au sourire.
Elle peut être associée à une chirurgie de la mâchoire inférieure (« ostéotomie bi-maxillaire ») ou du menton (« génioplastie »).
Le maxillaire peut être avancé, remonté, abaissé, ou recentré. Dans certains cas, il peut simultanément être élargi : on parle alors d’ostéotomie de « Le Fort I fragmenté ».
Cela permet par exemple d’avancer, d’élargir et de remonter le maxillaire au cours du même geste opératoire (et donc de corriger le sens transversal, sagittal et vertical).
L’ostéotomie du maxillaire est aujourd’hui systématiquement réalisée par chirurgie ultrasonique (piézochirurgie). Cette approche est beaucoup plus douce pour l’os, et la récupération post-opératoire s’en trouve nettement accélérée.
La durée de l’intervention est d’environ 2 heures ; l’hospitalisation de deux à trois jours.
La chirurgie du maxillaire peut modifier la projection et la largeur du nez, ces effets devront être anticipés, et gérés pendant l’intervention.
Toutes les cicatrices sont situées à l’intérieur de la bouche.
Cette intervention est peu douloureuse, mais s’accompagne habituellement d’un œdème du visage, qui régresse au cours des premières semaines. L’utilisation systématique de masques réfrigérants permet aujourd’hui de limiter considérablement cet œdème.
Les mâchoires sont généralement bloquées sur élastiques souples la première semaine.
L’alimentation doit être liquide puis pâteuse pendant 2 semaines, et ensuite tendre pendant 1 mois.
Génioplastie (chirurgie du menton)
Cette intervention permet de modifier la taille et la position du menton.
Elle ne modifie pas la position des dents, et peut être réalisée isolément ou s’associer à une ostéotomie mandibulaire, maxillaire, ou bi-maxillaire.
Elle est indiquée en cas de menton fuyant (rétrogénie), de menton «trop haut» (hypsogénie), mais également en cas de déviation du menton (latérogénie), de menton trop petit (microgénie) ou trop avancé (progénie).
La génioplastie permet d’avancer ou de reculer le menton, de réduire ou d’augmenter sa hauteur, et/ou de le recentrer.
Ce geste a un fort impact esthétique sur la morphologie du bas du visage, la position des lèvres, et la région cervico-mentonnière qui s’en trouve mieux définie.
La génioplastie est également très intéressante sur le plan fonctionnel, en particulier chez les patients qui ne parviennent pas à mettre leurs lèvres en contact sans crisper les muscles du menton (« incompétence labiale »). Ce problème, souvent en lien avec un menton trop haut ou trop en arrière, peut se corriger par une génioplastie dite « fonctionnelle ».
Nous y associons systématiquement une rééducation post-opératoire pour tonifier la musculature labiale et de la houppe du menton.
Dans le cadre d’une chirurgie maxillaire ou mandibulaire, la décision de réaliser une génioplastie complémentaire est souvent prise en fin d’intervention.
La durée d’une génioplastie est d’environ 1 heure; la sortie est possible dès le lendemain matin lorsqu’elle est isolée. Une mentonnière adhésive est laissée en place les trois premiers jours. Les cicatrices sont dissimulées à l’intérieur de la bouche.
Les principaux risques (lésion du nerf alvéolaire inférieur, hématome du plancher buccal) sont aujourd’hui rarissimes grâce à l’utilisation de la piezochirurgie.
Cette intervention chirurgicale est quasiment indolore, mais s’accompagne fréquemment d’un engourdissement transitoire de la lèvre inférieure.
A noter que certains types de génioplasties (« chin-wing ») permettent un remodelage de l’ensemble du bord de la mandibule, et en particulier de la région des angles mandibulaires.
Disjonction intermaxillaire
Cette intervention a pour but d’élargir le palais, et donc l’arcade maxillaire. Elle est indiquée en cas d’étroitesse du maxillaire (endognathie).
Le principe est de rouvrir la suture médiane du maxillaire, en passant entre les racines des incisives.
Cette chirurgie nécessite la pose préalable d’un appareil au palais par l’orthodontiste quelques jours avant l’opération (disjoncteur).
Cet appareil permettra d’élargir le palais en 10 à 15 jours après l’opération.
Une contention devra ensuite être gardée environ 6 mois pour garantir la stabilité du résultat.
La disjonction intermaxillaire peut être réalisée isolément, ou comme étape préparatoire à une chirurgie de la mâchoire inférieure.
La durée de l’intervention est d’environ une heure. Contrairement aux autres ostéotomies, aucune vis ou plaque n’est mise en place. Une sortie le jour même est possible.
Le principal risque de l’intervention est la lésion de racines dentaires par l’ostéotomie médiane; ce risque a aujourd’hui quasiment disparu grâce par l’utilisation systématique de la piézochirurgie (chirurgie ultrasonique).
Cette intervention chirurgicale est peu douloureuse; la cicatrice est dissimulée à l’intérieur de la bouche (au niveau de la gencive supérieure).
L’élargissement du maxillaire est obtenu progressivement, en tournant une petite molette située sur le disjoncteur : c’est le patient qui réalise cette « activation », dès le 4ème jour post-opératoire, au moyen d’une petite clé adaptée. Je vous apprendrai à le faire très facilement.
A noter qu’au cours de la disjonction, un écart va apparaître entre les incisives : ce diastème (« dents du bonheur ») sera secondairement fermé par l’orthodontiste.
La disjonction intermaxillaire est à distinguer de l’ostéotomie maxillaire fragmentée présentée précédemment, et qui permet simultanément d’élargir, d’avancer et de modifier la hauteur du maxillaire, sans nécessiter la pose d’un disjoncteur palatin.
Chirurgie orthognathique guidée
Jusqu’à récemment, la chirurgie bi-maxillaire nécessitait un travail de préparation en laboratoire pour la confection de gouttières chirurgicales. Le principe était de positionner les moulages sur un articulateur (appareil recréant l’occlusion du patient), et de simuler les mouvements désirés. Des empreintes étaient réalisées à chaque étape du processus afin de bien positionner les mâchoires.
Cette technique était fastidieuse, et pouvait être à l’origine de certaines imprécisions.
Aujourd’hui, les progrès de l’imagerie médicale et des technologies numériques permettent d’évoluer vers la chirurgie guidée.
Des moulages 3D combinés à un scanner permettent la réalisation de guides chirurgicaux sur mesure, qui offrent un niveau de précision remarquable.
Ces guides chirurgicaux sont des gouttières en résine acrylique qui permettent de positionner les arcades dentaires conformément à la planification pré-opératoire.
Ces techniques sont presque systématiquement employées, et améliorent significativement la prédictibilité du résultat.
Dans tous les cas, il convient de savoir opérer sans ces « aides », et le sens clinique du chirurgien ne sera jamais remplacé par une imagerie en 3D.